Biographie
Estelle Benazet est une écrivaine, chercheuse et performeuse francoautrichienne,
diplômée de l’École Nationale Supérieure d’Arts de Paris-Cergy (2008). Dans ses textes, des
corps sont mis à l’épreuve par des temporalités ingouvernables. Désir, faim, dépense, violence génèrent l’action
et métabolisent l’exercice du pouvoir. Son travail d’écriture mêle théorie et fiction. Il est diffusé sous forme de
livre (Le Régime parfait, Rotolux Press, 2022 ; Bêcher son visage, 2020, Autre saison 2021, éditions de la
Chambre verte) ; dans des revues (A.O.C., La Déferlante, Trou Noir, Sabir, Sève) ; lors de lectures performées
(Point Ephémère avec Gérald Kurdian pour sa hot bodies television, Villa Belleville, Centre Pompidou) et
musicales (Château de Haute Borde & Chapelle XIV avec Claude Violante) ; sous forme de pièces
radiophoniques (DUUU radio, Radio Marais). En 2022, sa fiction Le régime parfait connait un succès critique et
public (voir revue de presse p. 18). Une quinzaine d’événements en France et Belgique ont accueilli des
lectures et performances du monologue par l’autrice. Sa recherche doctorale en théorie et pratique de la cré
ation littéraire à l’Université Côte d’Azur, CTELA / Dublin City University, EROSS s’intitule : Écrire avec les
Affamées, manière de manger dans la littérature contemporaine. Y sont mises en lumière les relations de
domination qui s’élaborent autour de la préparation, de la consommation et de la gestion de la nourriture à la
croisée de certaines théories politiques et micro-politiques.
RÉSIDENCE — Le régime parfait
Madame Perez vit seule dans sa maison en zone inondable. Il pleut, le
niveau du fleuve monte, le déluge se fait sentir. Madame Perez attend
ses trois enfants pour le déjeuner mais elle se demande si les enfants
arriveront à temps, avant que la route ne soit coupée. Madame Perez
parle toute seule. Alors qu’elle rationalise ses gestes et ses pensées, elle
décortique ses tâches domestiques, l’alimentation de ses enfants, sa
gestion des catastrophes quotidiennes.
Le monologue déborde, une vague logique la pousse à argumenter pour
une politique alimentaire destinée à rétablir l’égalité entre les corps. Pour
réduire les corps des garçons, nourrissons, enfants ou adultes, les mains
du tribunal des mères les nourriront uniquement de soupe : matin, midi et
soir, dans les foyers, dans les cantines, dans les hôpitaux, dans les
prisons, dans les usines. Et pour que les filles deviennent des tanks, un
régime basé sur celui des oursonnes s’impose : du pâté de viande aux
myrtilles et beaucoup de sport. Madame Perez éclate de rire en prévision
de ce futur jubilatoire. Puis, sa pensée s’accélère : la surveillance, le
contrôle, les jugements, les condamnations du tribunal des pères, la
condition des demi-vies, la violence infligée par les instances de
domination.
Avec un humour terrible, se dessine le portrait d’une femme, en
proie à la colère et à la folie, qui agit pour un nouvel ordre mondial.