Cirque
Ceramic Circus
Julian Vogel
Tel un homme-orchestre virtuose, Julian Vogel joue avec les ressorts du cirque traditionnel comme les numéros d’assiettes chinoises, le vélo désarticulé ou encore les roulements de tambour. Une logique de l’incertitude, de l’aléa et du hasard génère un joyeux suspense. Mouvements de balanciers, trajectoires circulaires, effets yoyo, oscillations et disparitions : nos attentes et nos perceptions sont mises à l’épreuve avec une simplicité sophistiquée et un humour qui tourne à l’absurde.
Le roulement de tambour vibre, une boule de céramique virevolte, l’artiste tourne et glisse sur ses rollers dans une quête effrénée après le temps, la céramique se casse et se fracasse… Entre goût du risque et joyeux stress, l’artiste Julian Vogel met en scène les contrastes et les équilibres fragiles qui déterminent la vie.
Biographie
Après avoir étudié la psychologie et l’histoire de l’art à l’université de Bern (2014), JULIAN VOGEL s’est spécialisé dans la pratique du diabolo à l’école de cirque de Tilburg (Academy of Circus and Performance Art), dont il est sorti diplômé en 2019. Depuis 2019, il travaille sur CHINA SERIES, un ensemble de performances, d‘installations et de vidéos autour du diabolo, qu‘il fabrique lui-même en céramique – et qui est donc fragile. Avec ce projet interdisciplinaire entre cirque, performance et arts visuels, il est lauréat Circus Next 2020/2021. Il est en tournée internationale et présente d’expositions en solo.
Bien qu’il soit installé à Lucerne en Suisse, Julian Vogel est impliqué dans dif- férents projets artistiques européens en tant qu’auteur, interprète, producteur ou compositeur. Il a notamment co-fondé la compagnie Trottvoir (2012), où il intervient en tant qu’interprète et producteur, ainsi que KLUB GIRKO (2017), avec laquelle il a créé plusieurs œuvres telles que 122×244 – and a lot of little pieces (2018). Il a également collaboré avec les compagnies sh. et Panama Pictures — auprès de laquelle il est par ailleurs artiste associé depuis 2021.
En raison de son éclectisme et son intérêt pour l’autodidactie, Julian Vogel est non seulement auteur et interprète des variations de la collection CHINA SERIES, mais aussi responsable de la régie technique, de la construction, de la composition, ou encore de la production. Dès ses débuts, son solo Transition Nr. 1 a été nominé en 2019 pour le prix BNG Bank dédié aux étudiant·e·s sortant des écoles supérieures de cirque néerlandaises.
Entretien avec l’artiste
Je suis arrivé au cirque un peu par hasard et sans vraiment m’en rendre compte. L’élément déterminant a été pour moi l’interaction avec le monde des objets. J’ai très tôt pris le parti des choses en les considérant sous un angle ludique. C’est le désir de mettre en mouvement des objets du quotidien et de jouer avec leurs propriétés cinétiques insoupçonnées qui m’a conduit au cirque. Je n’avais pour ainsi dire pas vu beaucoup de spectacles de cirque contemporain avant d’entrer à l’ACaPA (Academy for Circus and Performance Art à Tilburg au Pays-Bas). Dans un premier temps, ma démarche artistique ne s’est pas élaborée à partir de références précises ou sous l’influence d’illustres prédécesseurs même si des artistes comme John Cage, Laurie Anderson ou James Blake ont pu être des sources d’inspiration. Aucun concept ne préexiste à ce que je fais. Je ne me suis d’ailleurs jamais vu devenir artiste. Ce sont littéralement les objets qui m’ont poussé sur scène. Pour CERAMIC CIRCUS, il s’agit de rollers, un vélo, une chaise, une caisse claire, des sphères et des assiettes en porcelaine.
Le titre de ce nouveau spectacle résonne comme un véritable manifeste, toi qui as fait de la rencontre entre le cirque et la céramique la spécificité de tout ton processus créatif.
Dans CERAMIC CIRCUS, mon usage de la céramique est avant tout dramaturgique. Ce matériau à la fois résistant et fragile me permet d’introduire une tension latente, un suspense lié au moment inévitable de la chute et de la cassure. En tant que jongleur, on passe son temps à faire tomber des objets. C’est pourquoi la céramique m’est apparue comme une évidence pour provoquer des situations imprévisibles. J’aime jouer avec le risque et le sens du timing pour conditionner l’attente des spectateurs car je sais qu’ils souhaitent autant qu’ils redoutent ce moment irréversible où l’objet finit en mille morceaux. Une relation physique s’engage avec le public à mesure que s’installe une sorte de joyeux stress. Ces émotions contradictoires font écho à celles du cirque traditionnel. CERAMIC CIRCUS joue d’ailleurs avec certains de ses codes comme les numéros d’assiettes chinoises, de vélo désarticulé ou le fameux roulement de tambour qui souligne de façon superlative la montée en puissance de la tension dramatique.
On te connait comme plasticien et circassien ; avec CERAMIC CIRCUS on te découvre également musicien.
La musique constitue en effet le point de départ de cette nouvelle création. J’ai toujours été sensible aux effets sonores produits par les objets, accessoires et instruments que j’utilise : la mélodie d’un pédalier de vélo, les rythmes métronomiques des pendules, les ritournelles des manivelles mécaniques, les céramiques qui volent en éclat ! Avec CERAMIC CIRCUS, j’ai envie d’orchestrer cette multitude de sons pour exacerber la curiosité du public comme des effets de roulements de tambour avec des variations qui se déploient et s’amplifient sous différentes formes en fonction de ce qui advient sur scène. Mais j’ai aussi passé des heures et des heures sur ma caisse claire afin de perfectionner ma technique du roulement !
Pour filer la métaphore musicale, on peut dire de ta démarche artistique qu’elle s’apparente à celle d’un one man band. Tel un homme-orchestre virtuose, tu prends en charge tous les rôles simultanément : fabrication d’objets, construction de machineries, création musicale, mise en lumière…
Depuis CHINA SERIES, j’ai en effet pris l’habitude de tout faire moi-même. Cette méthode solitaire me donne une grande liberté créatrice. Elle me permet de donner libre cours à davantage de spontanéité, de repousser certaines limites, d’explorer à fond certaines idées, de découvrir par moi-même de nouvelles techniques. Je me suis par exemple mis à la musique électronique en découvrant le logiciel Ableton Live et en investiguant toutes ses possibilités. Je me suis lancé le défi de maîtriser parfaitement un vélo dont le guidon est monté à l’envers. Un rapport particulier au temps s’installe quand je crée. Je bricole des prototypes, je teste des formules, j’agence des équilibres, je m’émerveille de l’incongruité des choses qui nous entourent, je traque le comique de situation à la Tati qui peut naître de notre confrontation aux objets. CERAMIC CIRCUS se nourrit de toute l’épaisseur de cette recherche artisanale pour partager avec les autres les résultats qui me paraissent les plus exaltants. Le spectacle est ce moment ultime qui met en présence les tenants et les aboutissants d’une quête artistique, comme une chaîne de cause à effet. Avec une simplicité sophistiquée et un humour absurde, CERAMIC CIRCUS met en scène les contrastes, les nuances et les équilibres fragiles qui déterminent la vie.
Propos recueillis par Stéphane Malfettes, juillet 2023
Distribution & mentions
ÉCRITURE & MISE EN SCÈNE : Roman Müller, Julian VogelCRÉATION SONORE : Julian Vogel
MIXING, MASTERING : Raphael Fluri
CONSTRUCTION : Julian Vogel, Vincent Loubert
CRÉATION LUMIÈRE: Noémie Hajosi
REGIE LUMIÈRE : Noémie Hajosi, Clara Boulis Valence
REGIE SON : Patrick Chazal, Luis da SylvaPRODUCTION : Cie. Unlisted / Delia Roulet, Ute Classen, Madlaina Bundi
DIFFUSION : Les SUBS
REMERCIEMENTS: Étienne Manceau, Darragh McLoughlin, Raphael Billet, Jean-Michel Guy, Pia Meuthen, Guido Jansen, Noah Arnold, Finn Curry, Jona Harnischmacher, Philippe Deutsch
COPRODUCTIONS :
Les SUBS, Le Plus petit cirque du monde – Centre des arts du cirque et des cultures émergentes, Le Théâtre d‘Arles, House of Panama, Südpol Luzern, Plateforme 2 Pôles Cirque en Normandie I La Brèche à Cherbourg – Cirque Théâtre d’Elbeuf
PARTENAIRES ET SOUTIENS :
Arts Printing House Vilnius, Aargauer Kuratorium, Centre Culturel Suisse à Paris, Ernst Göhner Stiftung, Pro Helvetia – Schweizer Kulturstiftung, Kulturfonds Société Suisse des Auteurs (SSA), Luzern Plus, Kanton Luzern Kulturförderung – Selektive Förderung, Stadt Luzern/FUKA Fonds, Le Spot Sion, Le Théâtre Silvia Monfort
Avec le soutien de : REVOL Porcelaines pour la conception et la fabrication des assiettes
Photos : Jona Harnischmacher
Les assiettes ont été conçues à partir de pâte céramique recyclée. Les débris du spectacle sont renvoyés dans le cycle de production de céramique de Revol, afin de produire de nouvelles assiettes.